La première lettre du premier mot de la première phrase. À bien y penser, c’est souvent le feu aux poudres, la petite molécule qui va donner vie à un grand corps. Et naît le roman, la nouvelle ou le texte sur commande. Comment expliquer que le français, la Langue française, me prend là, comme ça, sans que moi-même je m’y attende. Cette langue que l’on m’a dit maternelle, parce que sans doute est-elle en tout point semblable à la musique du coeur qui battait en ma mère, puis à sa voix, celle qui résonnait déjà en son ventre et qui plus tard m’a bercée, consolée, punie. Parfois, les mots ne viennent plus. Ne viennent pas. C’est une séparation, un abandon, quelque chose d’indescriptible au point de ne pas en trouver les mots. Et la boucle est bouclée et le cercle est vicié. Les mots se mettent à vivre d’eux-mêmes, ils m’emprisonnent et ils emprisonnent mes idées. Ce que je voulais dire n’est pas dit. Ceux que je voulais décrire ne se ressemblent plus. Il faut alors que je me calme et que je retrouve le rythme primal. Et les mots retrouvent en moi le chemin de la création. Ça peut prendre une fraction de seconde, une heure ou des jours. Ce peut être un cri, une larme ou un rire. Toujours, je dois les laisser faire, les laisser venir, les laisser naître et les laisser mourir. Ce sont eux qui me commandent.