Extraits

Quelques lignes à lire, pour se donner une idée …

 

Debout à la proue du navire, Achille laisse son regard courir sur l’horizon. Il ne se lasse pas du spectacle, toujours le mê et toujours aussi enivrant. Mille voiles couvrent la mer scintillante ; l’armée grecque au grand complet fait route vers l’Asie, vers Troie la voleuse. Les grecs, tous unis pour une fois, s’apprêtent à venger l’honneur d’un des leurs, le roi Ménélas, dont l’épouse a été enlevée par un prince troyen…

Les combats d’Achille – © Nathan 2003

 

 

J’aime quand la fraicheur du matin entre par la fenêtre grande ouverte. C’est surtout le souffle du vent se mêlant à celui de la mer qui me remue le cœur. J’imagine alors mes pieds nus courant sur le sable et les vagues qui cherchent à me lécher les orteils. Avec ma sœur, nous sommes les plus rapides de tout el’île : jamais la mer n’a réussi à nous surprendre !

Aujourd’hui, je ne sais pas pourquoi – ou je le sais trop bien -, je n’ai pas envie de me lever. Pour cette nouvelle année qui s’ouvre sur l’an 2000, je voudrais rester à jamais clouée dans mon lit et regarder la vie qui passe sans penser au lendemain…

Liberty chérie – © Magnard, 2003

 

 

J’en ai vu défiler, des chemises et des cols. Pas loin d’une douzaine. Peut-être moins, je n’ai jamais compté. Mon père, lui, tenait un petit cahier qu’il m’a remis à sa mort. Il notait scrupuleusement toutes ses exécutions. C’était une sorte de carnet de bord. Un compte rendu clinique du déroulement des opérations. Tout était chronométré et, en marge, il inscrivait de une à quatre étoiles selon la réussite de l’ouvrage. J’étais abasourdi. Puis, en relisant, j’ai compris que cette application était un moyen de surmonter l’horreur. Adopter une conduite scientifique pour gommer la peur du sang et des sentiments. Et aussi pour servir au mieux la République. Mon père se voulait irréprochable.

 

Le photographe – © Syros 2006

 

 

La première boule est bonne. Elle avance lentement dans le cylindre transparent et Serge distingue nettement le numéro cinq. Il a joué le cinq. La deuxième boule est bonne aussi. Le douze. Serge l’a joué. La troisième boule traverse le cylindre de Plexiglas pour venir se ranger aux côtés des deux autres. Le quarante-trois. Serge a joué le quarante-trois. Il serre la grille de Loto entre ses mains et se met à trembler. Pourquoi les trois autres boules ne seraient-elles pas bonnes ? Il n’y a aucune raison que cela s’arrête. Vingt-sept. Sept. Hu Dix-huit. Numéro complémentaire, le six. Serge a tous les numéros. Tous sortis dans l’ordre qu’il a instauré en les choisissant. La feuille beige reste collée à sa main droite.

 

Dans la tête des autres – © Calmann-Levy 2010

 

 

Agatha s’était retrouvée très vite sur les rails en direction de Munich. Elle se rappelle les regards haineux des autres filles dans le train, aussi blondes qu’elle, mais allemandes, et percevant mal qu’on protège celles qui n’étaient pas de pur sang germanique. Lors des distributions de victuailles et de produits d’hygiène, elles étaient passées les premières, n’hésitant pas à traiter dans leur langue les autres de « filles à soldat ». Agatha se souvint de l’une d’entre elles, aux lèvres très pincées, une crinière presque blanche, des yeux bleus perçants, et ressemblant étrangement à une petite sœur du foyer qu’elle n’avait jamais vue autrement qu’un fichu sur la tête. Elle fixait Agatha et marmonnait. Et puis, lors d’un arrêt intempestif de ce train empli de jeunes femmes en direction de l’Allemagne, la fille aux cheveux opalins et au regard plein de morgue s’était approchée d’elle. Agatha n’avait pas cherché à se détourner. L’autre s’était dressée face à elle l’air menaçant et le verbe haut, plantant même ses ongles dans l’épaule d’Agatha qui ne bougeait pas. Elle lui avait soufflé au visage des mots terribles, dit que Johannes avait été arrêté, que son fils n’était pas allé bien plus loin et que de toute façon, elle ne tarderait pas à voir la fin du voyage.

 

Le berceau de la honte – © Calmann-Levy 2013